
Alors que le pays s’enfonce chaque jour davantage dans l’instabilité, les tensions intestines minent désormais le cœur même de l’organe censé orchestrer la transition politique : le Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Une correspondance rendue publique ce 23 juin, signée par trois des Conseillers-présidents – Smith Augustin, Louis Gérald Gilles et Emmanuel Vertilaire – jette une lumière crue sur les dissensions qui gangrènent cette institution.
Dans cette lettre adressée au Coordonnateur Fritz Alphonse Jean, les signataires rappellent formellement que toute décision du CPT, notamment celles prises en Conseil des ministres, ne peut être valable sans la présence d’au moins cinq membres votants sur sept. Ce rappel intervient dans un contexte de fortes suspicions : le Coordonnateur est accusé de vouloir imposer unilatéralement les points à l’ordre du jour, reléguant ses pairs au simple rang de spectateurs.
Ce qui choque davantage, c’est le ton utilisé dans cette correspondance officielle. On y sent l’exaspération des signataires, contraints de rappeler à leur propre collègue les règles élémentaires de gouvernance, comme s’il s’agissait d’un élève récalcitrant en salle de classe. Ils appellent à un respect “strict et obligatoire” du quorum, pour garantir que les décisions ne soient pas entachées “d’irrégularité” ni déclarées nulles.
Ce bras de fer bureaucratique arrive à un moment où la population haïtienne attend désespérément des actions concrètes : sécurité, relance économique, services publics. Mais au lieu de trouver des solutions, les membres du CPT s’enlisent dans des jeux de pouvoir et des règlements de comptes administratifs, se disputant même la validité de leurs propres réunions.
Haïti vit une crise multiforme : sociale, politique, humanitaire. Pourtant, ceux qui prétendent tenir la barre dans cette tempête semblent incapables de s’asseoir autour d’une table sans déclencher une nouvelle crise… de quorum.
Ce spectacle est indigne. Humiliant. Et profondément honteux. À force de calculs politiques et d’agendas personnels, le Conseil Présidentiel de Transition se ridiculise, et avec lui, l’espoir d’un véritable sursaut national.