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Port-au-Prince, le 17 octobre 2025.
Aujourd’hui, Haïti se souvient. Deux cent dix-neuf ans après l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le père de la liberté, la terre qu’il a libérée du joug colonial gémit sous le poids d’une autre chaîne : celle de la peur, de la misère et de l’insécurité.
Dessalines, l’homme de fer, celui qui a brisé les fers de l’esclavage au prix de son sang, rêvait d’un peuple libre, digne et uni. Mais en ce 17 octobre, son ombre plane sur une nation en lambeaux.
Nous n’avons plus les chaînes aux mains, mais nous portons celles, invisibles, de la violence.
Nous ne mourons plus sous le fouet du colon, mais sous les balles de nos propres frères.
Les bourreaux ont changé de visage, mais le sang coule toujours sur la terre d’Haïti.
Dessalines avait dit : « Malheur à ceux qui se dressent contre la liberté du peuple ! »
Aujourd’hui, ce malheur, c’est nous qui le vivons.
Nos villes sont devenues des champs de guerre, nos enfants grandissent entre la peur et la faim, nos mères pleurent les fils qu’elles ont portés pour la patrie.
Et ironie du sort : même au Pont-Rouge, là où son sang a coulé, aucune fleur ne peut plus être déposée.
Ce lieu sacré est devenu zone interdite, territoire de gangs, miroir de notre échec collectif.
Le sol qui devait rappeler le courage de Dessalines est aujourd’hui souillé par la peur, les armes et le silence.
Chaque 17 octobre, nous disons “Héros de l’indépendance”, mais nos actes, eux, assassinent encore son rêve.
Car comment parler de liberté quand la majorité est prisonnière de la misère ?
Comment parler de souveraineté quand la peur règne plus fort que la loi ?
Comment parler d’unité quand chacun lutte pour sa survie ?
Dessalines ne serait pas fier.
Il a donné son sang pour briser les chaînes du blanc, mais c’est notre propre main qui les a reforgées.
Il a libéré un peuple, mais c’est ce peuple qui, aujourd’hui, s’enchaîne à lui-même.
Ce 17 octobre n’est pas seulement un jour de commémoration, c’est un cri d’alarme.
Un appel à revenir à la flamme de Dessalines, à son courage, à sa vision.
Haïti n’a pas besoin de nouveaux discours — elle a besoin de nouveaux Dessalines.




